Mon grand-père paternel était un « collabo ». Adolescent, je me suis toujours dit que ce devait être grave puisque des résistants l'avaient abattu en 1944. Bien évidemment, ma famille avait posé une chape de plomb sur ce secret honteux. Moi qui suis pourtant de la seconde génération, j’ai le sentiment d'avoir hérité de sa culpabilité. Aborder le sujet avec mon père, c'était s'entendre dire : « de toute façon, tu ne peux pas comprendre ». Car parler de ça, c'était parler de sa vie d'avant, de sa vie sous l'Occupation avec son lot de privations et de malheurs, mais aussi des bombardements, des arrestations, des exécutions, de la torture, des mots tabous qu'il valait mieux éviter de prononcer. Cela s'est passé il y a pourtant bien longtemps. A quoi bon rouvrir des plaies ? A quoi bon réactiver des souvenirs qu’on pensait éteints ? Mon père a toujours espéré que tout cela finirait bien un jour par « s’arranger ». Mais pour les autres, il était resté le « fils du collabo », et puis, on se remet rarement de la mort violente de son propre père, fut-il le pire des salauds.
My paternal grandfather was a collaborator. As a teenager, I always thought it must've been serious because resistance fighters had shot him in 1944. Of course, my family had put a tight lid on this shameful secret. Although I am second generation, I feel like I've inherited his guilt. To bring up the subject with my father was to be told, "You wouldn't understand anyway". Because talking about it meant talking about his life before, his life under the Occupation with its share of deprivations and misfortunes as well as the bombings, arrests, executions, torture, taboo words that were better left unsaid. It happened a long time ago. What's the point of reopening old wounds? What's the point of bringing up memories we thought were dead? My father always hoped that one day it would all "work out". But to others, he remained the "son of the collaborator", and one rarely gets over the violent death of one's own father, even if he was scum.